La région de Tillabéry traverse une crise sécuritaire qui touche particulièrement les femmes et les enfants. Ces cinq dernières années, les incursions des groupes armés non étatiques se sont multipliées. Précisons que ces incursions ont occasionné d’énormes dégâts dont entre autres l’accès difficile aux services sociaux de base à savoir la fermeture des écoles et des centres de santé, l’interdiction de la circulation des motocycles à deux roues, la fermeture de plusieurs marchés. L’insécurité dans la région de Tillabéry a également impacté la pratique des activités génératrices des revenus des femmes. A travers cet article, il s’est agi de ressortir les conséquences de cette situation qui freine l’entreprenariat féminin mais aussi et surtout de proposer des pistes de solutions.
Mme Aissa Morou, âgée de 42 ans et mère de cinq enfants est une déplacée interne du village de Gassa Alzou dans la commune rurale de Sakoira. Elle a fui la menace avec sa famille pour se retrouver dans la ville de Tillabéry. Pour prendre en charge sa famille, Mme Aissa exerce le petit commerce au marché de la place afin d’être à l’abri des aléas sociaux. « Les groupes armés non étatiques ont emporté tous nos bétails, ils ont, ensuite occasionné la mort de notre chef du village. Après avoir observé quatre jours de deuil, nous avons quitté notre lieu de résidence afin de se retrouver à Tillabéry. Malheureusement, nous avons perdu tous nos biens. Il est difficile pour moi de supporter toutes les charges de la famille surtout que les enfants ne vont plus à école » témoigne Mme Aissa Morou.
Au même titre que Mme Aissa Morou, M. Boureima Abdoulaye bat pour couvrir les besoins substantiels de sa famille au regard du contexte et des réalités socioéconomique de son environnement qui exposé à l’insécurité liée aux incursions des groupes armées non étatique « au même titre que les hommes, les femmes sentent l’impact de l’insécurité qui assaille notre communauté. Aujourd’hui, des familles triment pour assurer leur survie. Le milieu est touché par le manque d’emploi. En effet, la situation rend la pratique des AGR difficile. Pourtant, les AGR contribuent significativement à la prise en charge des familles. » a-t-il déclaré.
Quant à Mme Gorou Hainikoye, elle est native du village de Bandjio. Elle a quitté son lieu d’origine pour s’installer à Gothéye. « Avant l’insécurité, j’exerçais mon commerce à la grande satisfaction de la famille car je faisais le tour des différents marchés des villages environnants. Maintenant, il est difficile d’exercer une activité génératrice de revenu du fait que les marchés ne sont plus opérationnels », déplore-t-elle.
Pour le Maire de la commune rurale d’Anzourou M. Zibo Halidou, au-delà des AGR exercées par les femmes, l’insécurité a touché les activités socioéconomiques de la commune particulièrement l’agriculture, l’élevage, le maraichage qui, pourtant représentent les produits de première nécessité. « Cette situation a remis en cause le système de mobilisation des ressources mis en place par la municipalité à savoir les impôts et les taxes de marché pouvant contribuer à supporter les charges liées au fonctionnement administratif et à investir dans les secteurs de développement de la localité. Depuis deux (2) ans les paysans n’ont pas accès à leurs champs. Nous avons enregistré environ 5703 bovins, 8571 ovins et 9606 caprins emportés ».
Pour l’actrice de la société civile coordination des ONG et associations féminines CONGAFEN de Tillabéry Mme. Soumana Safiatou kindo, elle a relevé l’impact de l’état d’urgence sur le développement économique des femmes. Elle a, à cet effet noté que les femmes sont limitées dans leur mobilité afin de s’approvisionner et écouler leurs marchandises. « L’État d’urgence fait obstruction aux femmes afin de mener convenablement leurs commerces, surtout celles qui excellent dans le domaine de la restauration et autres points de ventes de nourriture la nuit. Ajoutons aussi que les femmes ont accès limité aux champs en vue d’exercer leurs activités champêtres bien que l’apport des produits agricoles, est inestimable pour le bien-être de la famille. Les femmes ont perdu des bétails pour la pratique pastorale ».
Le soutien de l’État et ses partenaires, une solution alternative pour une prise en charge adéquate des populations
L’insécurité que connait la zone de Tillabéry a occasionné le mouvement des populations locales et des réfugiés venant des pays frontaliers. A cet effet, l’Etat et ses partenaires mutualisent leurs efforts pour atténuer la souffrance des populations concernées afin d’améliorer leur cadre de vie.
Notons que grâce au soutien de la Croix Rouge, Mme Aissa Morou a entrepris des Activités Génératrices des Revenus pour couvrir les besoins de sa famille. Elle a confié que chaque famille de sa localité a bénéficié d’un appui financier de 150.000FCFA.
C’est avec cet appui de la Croix Rouge qu’elle s’est investie dans le commerce de vente des condiments. Mme Aissa a fructifié ses affaires ayant permis de soulager la famille qu’elle supporte de par son dynamisme et son abnégation. Selon le Maire de la commune rurale d’Anzourou, la mairie en collaboration avec certains partenaires a soutenu les couches vulnérables notamment les jeunes filles et les femmes à travers diverses offres en espèce et en nature. Il a dit avoir mis à la disposition des groupements féminins des caprins. M. Hama Oumarou du cadre de concertation et d’action citoyen et président du comité union Tillabéry pour la paix et la sécurité et la cohésion sociale a expliqué que « notre organisation a entrepris des campagnes de soutien, cette année, dans cinq villages. Les groupements féminins ont été dotés des matériels leur permettant de travailler à la maison. Cela leurs permet de subvenir à leur besoin » a-t-il souligné.
Tandis que des populations apprécient le soutien ici et là du gouvernement et de ses partenaires, d’autres femmes déplorent le manque de soutien de l’Etat et de ses partenaires techniques et financiers. En outre, Mme Gorou Hainikoye exprime le sentiment de continuer à attendre l’appui susceptible d’améliorer leur condition de vie. Selon Mme Soumana Safiatou Kindo, les femmes contribuent activement à l’entretien du foyer. Elles participent à la prise en charge de la famille en assurant entre autres le frais de scolarité des enfants, les dépenses de souveraineté quotidiennes de la famille. A l’absence des hommes, les femmes assurent le rôle des cheffes de familles. « Pour certaines femmes les maris ont perdu la vie des suites des attaques des groupes armés non étatiques, tandis que d’autres ont quitté les villages en raison de l’insécurité pour laisser les femmes. L’insécurité a fait de victimes civiles et militaires. Les populations concernées espèrent toujours le retour de la stabilité, a-t-elle confié.
Quelles pistes de solution pour réduire la pauvreté des femmes et promouvoir l’entreprenariat dans le contexte d’insécurité dans la région de Tillabéry ?
Dans le souci d’œuvrer à la cause des femmes et faire face à la pauvreté qui touche les femmes, le gouvernement et ses partenaires doivent mettre un accent particulier en leur apportant de soutien inestimable. Ainsi, pour M.Boureima Abdoulaye la sécurisation des populations et de leurs biens, est une des priorités. Les populations attendent de l’État de créer les conditions pour que la paix s’installe dans la zone et toutes les populations déplacées puissent retourner dans leurs localités respectives, et continuent à exploiter leurs champs, et participer aux actions de développement de la communauté et du pays en général, espère Mme Gorou Hainikoye.
M. Zoulkiffili Saley souhaite que l’État et ses partenaires puissent créer un mécanisme d’intégration des personnes déplacées dans les localités d’accueil.
Pour sa part Mme. Kindo de la CONGAFEN propose le recensement par commune des orphelins pour leur réhabilitation dans la société.
Compte tenu du contexte sécuritaire, il est important de promouvoir des initiatives sur le plan local mettant en œuvre des solutions durables afin de contribuer à la paix et à la cohésion sociale entre les communautés. Le financement des activités génératrices de revenus est une solution prometteuse pour que les femmes soient plus autonomes visa à vis de la communauté et de l’aide humanitaire.
Cette production est réalisée par Mamata Abdoulaye Saley avec le soutien du Réseau des Journalistes pour le Journalisme Sensible aux conflits.