Les effectifs des girafes sont passés de 50 en 1996 à plus de 600 individus en 2021, grâce à une loi portant protection de la faune, classant les girafes parmi les espèces à protéger. Malheureusement, les habitats de ces mammifères sont menacés d’extinction par les sécheresses récurrentes, la pression démographique et la conquête de nouvelles terres agricoles.
Au Niger, les girafes ont profité d’un système de protection juridique favorable à leur épanouissement. En effet, depuis 1998, le pays a adopté la loi N° 98-07 du 29 avril 1998 portant protection de la faune, classant les girafes parmi les espèces à protéger. Pour renforcer ce cadre juridique, en 2019, le gouvernement a adopté une nouvelle loi visant la protection des espèces de faune et de flore sauvages. Le pays a interdit le commerce international des espèces menacées d’extension, particulièrement les girafes.
La zone de Kouré, une localité de la région de Tillabéri, située à 60 km de la capitale, Niamey, accueille dans la réserve semi désertique, les populations des dernières girafes d’Afrique de l’Ouest. Le colonel des Eaux et Forêts Maliki Alfaza, un des responsables à la Direction de la Faune, les décrit en ces termes : « Les dernières populations de l’espèce endémique Giraffa Camelopardalis Peralta sillonnent au moins quatorze (14) communes des régions de Tillabéri, Dosso et Tahoua ».
Dans les années 1990, poursuit-il, « le Niger a engagé des actions de conservation. De 50 girafes en 1996, les effectifs sont estimés en 2021 à plus de 600 individus ». L’évolution de la population des girafes dans cette zone de Kouré montre une tendance numérique encourageante et ce, parce que les girafes ont trouvé les conditions écologiques favorables à leur croissance et un apport de la population locale. Hama Sanda, un habitant de Kouré témoignage : « Au début, c’était un petit troupeau de girafes de cette espèce qui avait trouvé refuge dans notre brousse. Depuis lors, elles ont bénéficié de notre soutien et se sont multipliées ». Issa Morou, un autre habitant de Kouré ajoute : « Les girafes font notre fierté et celle du pays. Elles font partie de notre vie. Nous les avons trouvées dans la zone et nous vivons ensemble. Elles nous procurent de la joie surtout avec la présence des touristes ». Mais avec le temps, déplore Aziz Wonkoye, un habitant de Dantchandou, l’habitat des girafes est détruit ou rétrécit. « Cette situation engendre la cohabitation conflictuelle entre les girafes et les populations locales. Laquelle est caractérisée par des tensions causées par les ravages des cultures par les girafes. Ce ravage est en grande partie engendré par la déforestation et la dégradation de l’environnement ».
L’action de l’homme menace maintenant leur existence
En dépit de multiples actions de conservation entreprises par les autorités et les populations locales, les girafes restent soumises à des pressions d’ordre démographique et du changement climatique. « Avec le changement climatique et la dégradation de l’environnement, la cohabitation avec la population locale reste le plus souvent conflictuelle. Elles sont en compétition avec les habitants car les essences forestières qu’elles mangent sont cueillies par les hommes qui les vendent et utilisent le bois domestique », indique le colonel Maliki.
Niandou Boureima, un habitant de la commune de N’Gonga ajoute que « dans le passé, l’espace cultivable avait été laissé aux girafes pour le pâturage ». « Mais aujourd’hui, la croissance de la population entraîne une occupation de plus en plus importante de la terre. Il y a une véritable compétition pour la conquête de l’espace entre l’homme et la girafe », ajoute-t-il. Pour Himo Morou, « les girafes vivent en troupeau le plus souvent d’une dizaine d’individus, mais restent éloignées les unes des autres. Du fait, qu’elles avalent facilement tout ce qu’elles mangent, elles ne font des dégâts dans les champs et jardins ».
Seyni Sadou, un guide touristique de kouré, explique que la girafe est habituée à son espace : « A la recherche de nourriture, la girafe attaque le niébé et le manguier dans les champs et jardins et rend la cohabitation difficile ». Et Aziz Wonkoye, un habitant de Dan Tchandou, de préciser que « des projets avaient été initiés pour accompagner les forgerons pour une reconversion afin qu’ils abandonnent l’habitat de la girafe. Et les femmes victimes de ces dégâts ont, à un certain moment, profité des soutiens pour entreprendre des petites activités génératrices de revenus ».
Dans cette zone, toute l’année, la girafe se déplace entre le Dallol Bosso et les plateaux de Kouré. Pour réduire la pression grandissante sur l’habitat des girafes entraînant le déboisement, l’Association pour la sauvegarde des girafes du Niger travaille sur le terrain pour soutenir les populations locales résidant dans la zone afin de favoriser la préservation des camélopards. A N’Gonga et Harkanassou, nous avons assisté à une séance de remise de crédits aux groupements des femmes pour mener des petits commerces. L’Association fait le suivi des girafes et de leur habitat, la sensibilisation et le soutien aux villageois et l’implication des hommes dans la gestion de la préservation des girafes et les femmes bénéficient des crédits AGR », a indiqué Assan, un des responsables de ladite Association.
Quid de la situation sécuritaire ?
L’insécurité à laquelle le Niger est confronté depuis deux décennies n’est pas sans conséquence sur la survie des girafes et de toutes les actions de conservation. En 2020, six humanitaires français d’une Organisation Non Gouvernementale avec leur guide et leur chauffeur nigérien ont été tués dans la zone de Kouré où ils se sont rendus pour visiter les girafes. Cette zone, qui abrite les dernières girafes d’Afrique de l’Ouest, est en effet devenue une zone touristique depuis le début du programme de sauvegarde de l’espèce. Mais à cause de l’insécurité qui affecte la zone, elle est classée « zone rouge » et interdite d’accès aux étrangers, notamment aux occidentaux.
« Depuis l’attaque du 9 août 2020 où les humanitaires français ont été tués, je suis au chômage. Il n’y a plus de visiteurs dans la zone. On ne gagne absolument rien », explique Ousseini Idrissa, un guide touristique de Harkanassou. Puis, Amina Adamou, une des femmes qui mènent des activités de petits commerces, déplore cette situation : « L’absence des visiteurs a engendré une perte énorme pour nous, population locale, qui exerçons des petits commerces. »
La relocalisation, une solution
Pour réduire les menaces contre les girafes, les autorités ont opté en 2018, pour la délocalisation de huit girafes dans la forêt classée de Gadabedji dans la région de Maradi. Elle couvre environ 76 000 hectares dans la pointe nord de la région de Maradi, au nord de Dakoro et au sud de la frontière avec la région d’Agadez. La réserve de faune de Gadabedji est une réserve naturelle qui a été créée le 25 avril 1955. Cinq ans après ce transfert, trois parmi les cinq girafes femelles transloquées de la zone girafe de Kouré à la réserve de biosphère de Gadabedji ont mis bas. Aussi, le 11 novembre 2022, les autorités ont décidé de relocaliser quatre girafes dans cette réserve de Gadabedji.
Un groupe de girafes rencontré à Birdinga dans la commune de Harikanassou.
Enquête réalisée par Souleymane BRAH avec l’appui de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO)